Les dessous de l’affaire Schlumpf

Les dessous de l’affaire Schlumpf

29 juillet 2020 0 Par Victor Cadon
Voiture vintage musée de l'automobile

Les sombres ressorts de «l’affaire Schlumpf»

Un vaste hangar d’usine H.K.C à Mulhouse. Plus de 430 voitures de collection entreposées. La colère de 2000 ouvriers licenciés et un bras de fer pour obtenir gain de cause auprès des autorités.

L’affaire Schlumpf aura, pendant près de 10 ans, déchaînées les passions et les rancœurs, symboles d’une époque qui voit naître le capitalisme et la contestation sociale. Petit tour d’horizon de l’une des plus grandes affaires du monde automobile du XXe siècle.

Bienvenue au Musée National de l’Automobile !

Mulhouse, le Grand Est et les dégustations de Riesling vous mèneront naturellement à la Cité de l’Automobile, joyau du tourisme alsacien et fierté de tout habitant du Haut Rhin.

Ce site semble à lui seul regrouper tous les superlatifs du monde automobile : plus de 500 véhicules de collection qui constituent la plus importante collection de voitures anciennes du monde, la plus grande collection de Bugatti en Europe, une usine textile classée au patrimoine des monuments historiques de l’Unesco. Ce site héberge la célèbre collection des frères Schlumpf, grands industriels suisses passionnés de carrosserie et de textile. 

Aujourd’hui, cette collection se constitue de 437 automobiles retraçant l’histoire des voitures européennes à travers les siècles. Dans un espace de 17 000 m², sur un sol de gravillons lavés, sont exposées 98 marques différentes de véhicules, dont 14 Rolls Royce et 120 Bugatti

Musée de l'automobile

Si vous déambulez dans ces allées carrelées sous les lampadaires identiques à ceux du pont Alexandre III à Paris, arrêtez-vous sur quelques modèles emblématiques. A votre droite, la Bugatti Royale, la voiture la plus chère du monde ayant appartenue au fondateur Ettore Bugatti. A votre gauche, une Rolls Royce Silver Ghost Landaulet 1924, petit joyau d’une époque aujourd’hui révolue.

Mais derrière l’émerveillement se cache une histoire sombre sur fond de lutte des classes et de fermeture d’usine.

L’ascension fulgurante des frères Schlumpf

Car si aujourd’hui l’on parle de l’affaire Schlumpf comme le reflet d’un climat social tendu, il faut savoir que l’ascension des frères Schlumpf a longtemps été érigée comme un modèle de réussite dans une Europe post guerre. Ayant grandis à Mulhouse, les frères Schlumpf s’intéressent très vite en 1935 à la branche textile et notamment à une entreprise, la Filature de laine peignée de Malmerspach dont ils deviennent d’abord actionnaires puis dirigeants. Deux profils financiers qui n’auront de cesse de racheter les industries lainières et filatures d’Alsace. Les deux frères parviennent très vite à se forger un empire textile, devenant des acteurs majeurs de cette hyper-croissance des années 60. 

C’est en 1957 que les frères Schlumpf rachètent l’industrie de filature de laine HKC de Mulhouse qui deviendra un hangar pour entreposer leurs voitures et l’épicentre de l’affaire Schlumpf. En 1970, le début de la crise du textile mettra un terme à cette ascension fulgurante.

Les frères Schlumpf

Deux passionnés d’automobile, un projet dantesque

Mais, une collection de voitures anciennes n’est pas seulement une question d’achat de véhicules. A partir de 1967, Fritz entreprend de restaurer ses véhicules en créant, par exemple, un accord avec les usines Bugatti de Molsheim. En 1976, Il décide d’ouvrir sa collection au public en l’exposant dans l’usine H.K.C aménagée pour l’occasion : fontaines Wallace, salles de réception, billets d’entrée imprimés. 

Collection voiture Schlumpf

Tout est fait pour rendre compte de l’apogée de la puissance industrielle et culturelle des deux frères : une usine textile à dimension régionale accueillant la plus grande collection de Bugatti du monde.  Derrière les hommes d’affaire se cachent des grands collectionneurs. Fritz Schlumpf, en parallèle de ses affaires, consacre une partie de son temps et des ses ressources à la création d’une collection de voitures anciennes.

Ce proche d’Ettore Bugatti et de Maurice Trintignant se lance ainsi dans l’acquisition de voitures. Petit à petit, il tisse un large réseau de relations entre constructeurs et pilotes afin de dénicher les perles rares. En 6 ans, Fritz constitue une collection de 560 voitures composée principalement de Bugatti. C’est en 1963 qu’il acquiert la voiture personnelle d’Ettore Bugatti lors du rachat de Bugatti par le constructeur français Hispano Suiza. Cette pièce deviendra le chef d’œuvre de sa collection.

Crise et faits syndicaux : l’affaire Schlumpf

Le début des années 1970 marque le coup d’une crise mondiale et d’un ralentissement de l’activité. Le secteur du textile, très lourdement touché ne se voit pas épargné : en octobre 1976, l’usine Malmerspach ferme ses portes et la contestation sociale s’installe. Deux mille employés se retrouvent sans emploi et le groupe Schlumpf est en cessation d’activité. 

Séquestrés dans leur villa sur le site de Malmerspach, les frères Schlumpf se réfugient en Suisse laissant leur collection de véhicules aux mains des syndicats. Le 7 mars 1977, quelques ouvriers et syndicalistes occupent le site et rebaptisent la collection le « Musée des travailleurs ». C’est le début de l’affaire Schlumpf qui durera plus de deux ans. Parmi les revendications des employés figure la vente de la totalité de la collection pour redresser la trésorerie du groupe. 

Le monde découvre ainsi la collection de voitures à travers les médias qui couvrent l’évènement. De nombreuses voix s’élèvent face au luxe et à l’ampleur de cette collection et des revendications s’exacerbent contre les frères accusés d’avoir favorisé leur collection au détriment de l’activité textile. Les frères Schlumpf sont jugés pour abus de biens sociaux et fraudes fiscales, entraînant la confiscation de la collection par l’Etat.

C’est ainsi que le 14 avril 1978, une décision du Conseil d’Etat clôt l’affaire en faisant classer l’ensemble de la collection à l’inventaire des monuments historiques. La collection est autorisée à la vente et trouve repreneur pour 44 millions de francs avec l’association du Musée National de l’automobile. C’est en 1982 que le musée ouvre ses portes au public pour permettre à chacun de profiter de la plus grande collection de voitures anciennes du monde.

L’affaire Schlumpf, si elle a déchaîné les passions à travers le monde cristallise aujourd’hui l’ouverture au tourisme d’une ancienne région industrielle, rêve échoué de deux frères passionnés.

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